Zéro de conduite (1933), de Jean Vigo

Publié le par Etrange Normalite

Zéro de conduite estle film où la sensibilité libertaire du cinéaste est la plus apparente. C’est l’histoire d’une révolution anarchiste dans un orphelinat, les enfants se rebellant contre l’autorité des adultes afin d’accéder à la liberté.

 

Il me semble, afin de pouvoir présenter au mieux cette œuvre, qu’une courte biographie de l’auteur est nécessaire.  Jean Vigo est né le 26 avril 1905 à Paris. Son père, Eugène Bonaventure Vigo, plus connu sous le nom de Miguel Almereyda était un militant anarchiste mais aussi un journaliste, qui participa à la création du journal Le Bonnet Rouge. Miguel Almereyda diffusa certaines informations sous la censure pendant la première guerre mondiale  et fut accusé d’intelligence avec l’ennemi. Il fut incarcéré à la prison de Fresnes en aout 1917 et trouva mystérieusement la mort quelques jours après sa mise en détention, étranglé avec un lacet. Jean Vigo a 12 ans à la mort de son père et son enfance a été bercée par les réunions et les congrès anarchistes. Il est placé dans un pensionnat à Nîmes, puis à Millau en 1918 (période évoquée par Zero de conduite). Jean Vigo passe son temps à honorer la mémoire de son père en lisant ses écrits et entreprend des études de philosophie qu’il est obligé d’arrêter à cause de son état de santé. Il décide alors d’entamer une carrière cinématographique et déménage à Nice, ville dont il dressera un portrait féroce dans son premier film, A propos de Nice (1930). Il tourne ensuite un court métrage sur un champion de natation, Jean Taris (1931) par nécessités financières. C’est en 1933 que sort Zero de conduite, censuré suite à la première projection qui donna lieu à un véritable scandale : Jean Vigo remettait en question l’autorité des parents et le pouvoir dominant, le film fut considéré comme antifrançais et n’obtint le visa d’exploitation qu’en 1945, après la libération. En 1934 sort Atalante, le dernier film de Jean Vigo qui décéda à l’âge de 29 ans d’une septicémie, laissant derrière lui une filmographie courte de 3h et qui constituera son mythe. Aujourd’hui, le prix Jean Vigo est décerné à un réalisateur français distingué pour l'indépendance de son esprit et la qualité de sa réalisation.

 

Ainsi, Zero de conduite est une sorte d’autobiographie, Jean Vigo évoquant ses 13 – 16 ans. Il y raconte sa douloureuse expérience au collège de Millau en utilisant des anecdotes ou des écrits des journaux qu’il tenait à l’orphelinat. Dans ce film, les enfants sont soumis à l’autorité des adultes qui sont représentés comme sournois, pervers, voleurs, violents,… Les surveillants et les enseignants s’attèlent à limiter la liberté et la créativité des enfants, abandonnés par tous. Cette solitude illustre bien les propos et l’état d’esprit de Jean Vigo : « L'enfance. Des gosses que l'on abandonne un soir de rentrée d'octobre dans un cour d'honneur quelque part en province sous quelque drapeau que ce soit, mais toujours loin de la maison, où l'on espère l'affection d'une mère, la camaraderie d'un père, s'il n'est déjà mort. ». Quatre enfants, punis par un zéro de conduite, décident de mener une révolte le jour de la fête du collège avec la complicité du surveillant Huguet, un véritable Charlot plus proche de la mentalité des enfants que celle des adultes. Les enfants, après avoir accomplie leur révolution dans une bataille de plumes et mis en fuite le préfet et les officiels s’échappent par les toits vers la liberté. Ce film est d’une justesse inouïe et le souffle de révolte ne perd pas de sa puissance malgré l’ancienneté de l’œuvre. Jean Vigo offre une ode à l’anarchie, avec un discours sans concession et une esthétique d’avant-garde.

 

Cyrille.

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