Le glissement à droite de l’Europe

Publié le par Etrange Normalite

La crise financière est devenue une crise des états, qui réserve aux nombreux partis de droite (extrême) un terrain favorable – apparemment partout en Europe : même en Suisse avec sa tradition de démocratie directe et un multiculturalisme qui est regardé comme une réussite.

 

En décembre 2010 le Suisse Oskar Freysinger du parti de la droite dure, l’UDC (Union démocratique du centre), récolte beaucoup d’applaudissements à Paris lors d’une assise internationale contre l’islamisation en disant que l’islam serait un totalitarisme. En même temps, le NPD (parti national-démocratique en Allemagne) distribue des milliers de cartes postales avec la parole : « L’idéal c’est la Suisse : avec des étrangers délinquants, il faut faire procès court ». Que s’est-il passé?

Récemment, l’UDC, a savouré une nouvelle victoire dans son sujet préféré: l’expulsion des étrangers criminels – un an après le refus des minarets. L’initiative – la collecte des 100'000 signatures, débutée en 2007 sous Christoph Blocher, la tête de l’UDC – a été acceptée le 28 novembre 2010. 52.9 % des Suisses (avec une participation de 53.05 % des votants) ont accepté l’initiative proposée par l’UDC. La contre-proposition du Parlement n’a pas eu de chance (45.8 % oui).

À l’avenir, ça signifie que tous les délinquants sont expulsés directement s’ils commettent un meurtre, un viol, un délit sexuel, un brigandage, une traite d’êtres humains, un trafic de drogue ou… de la fraude aux aides sociales.

 

Des tendances xénophobes et islamophobes

En réalité cela amène et institutionnalise la double peine autant que l’inégalité de l’homme devant la loi. Les droits de l’homme sont bafoués. En même temps c’était la deuxième initiative en un an qui repoussait les conventions internationales. Ainsi, la marche triomphale de la droite dure et de sa xénophobie et islamophobie continue en Suisse – comme apparemment partout en Europe. Quelques exemples :

En Allemagne, où le poids de l'histoire est très fort, la chancelière Angela Merkel a évoqué en octobre les « racines chrétiennes » du pays. Elle a également estimé que « l'approche Multikulti », c'est à dire l'approche multiculturelle de l'immigration, avait « totalement échoué ». Aux Pays-Bas, le Parti pour la liberté s’attaque, lui aussi à l’islam. Son chef, Geert Wilders, n’arrête pas à dire qu’il y a un problème avec l'idéologie islamique et il incite les immigrés de se débarrasser de cette idéologie. Même la Suède, connue pour sa tolérance, a élu 20 députés appartenant aux « démocrates suédois », qualifiés à tort ou à raison de populistes et xénophobes.
 En Hongrie, le parti Jobbik, qui insiste sur la préservation des identités hongroises, défend des positions ouvertement antisémites. Et finalement, la France n'est pas épargnée par le phénomène. Le Front National y est parfois classé de « populiste », même si on caractérise plutôt ce parti de mouvement d'extrême droite. Pour ses adversaires et une partie de la presse internationale, les propos tenus l’été dernier par le président Nicolas Sarkozy sur la délinquance et les Roms relèvent du populisme.

En résumé, est-ce que ça signifie que l’Europe est de plus en plus attirée par le populisme de droite et une politique xénophobe? Si oui, pourquoi ?

 

L’histoire qui se répète

Dans le contexte de la crise économique et financière mondiale, qui dure depuis déjà trois ans et qui est devenue une crise des états, les partis nationaux de droite (extrême) trouvent des terrains favorables. Les préférences nationales sont accentuées et les boucs émissaires pour la misère sont une fois de plus les étrangers. C’était similaire dans le krach de 1929, et dans les « trente glorieuses » (1945-1973).

En réalité on est face à une politique qui est basée sur les durcissements des lois des étrangers (voir article « Loi Besson »), la répression sous toutes ses formes (voir article « LOPPSI 2 »), l’embourgeoisement des espaces, et encore l’exploitation de l’homme et les inégalités. Et cette politique se diffuse plus facilement avec du populisme, c’est-à-dire : avec une politique qui instrumentalise des insatisfactions, des angoisses et des conflits actuels pour ses buts en parlant des sentiments et des solutions faciles. En plus, tout cela est soutenu par les médias (boulevardiers), qui sont liés majoritairement à cette politique et à l’économie néolibérale.

 

La Suisse, un cas particulier ?

La Suisse est souvent montrée comme exemple de démocratie directe (avec la tradition humanitaire), comme exemple-réussite du multiculturalisme, notamment avec ses plus de 20 pourcents d’étrangers. Mais les dernières votations laissent tendre l’oreille et posent des questions: pourquoi les habitants de la Suisse votent-ils contre les droits de l’homme ? Est ce une conséquence de la démocratie directe, ouvre-t-elle du terrain pour le populisme de droite? La Suisse
 est elle un cas particulier ou pas ?

Alors que la Suisse a une histoire de migrations très particulière, c’est-à-dire qu’il y a toujours eu des minorités qui ont essayé de prendre de l’importance par les instruments de démocratie directe, l’Europe avec l’Union européenne institutionnalise lentement une forteresse. Vers l’extérieur, les frontières sont verrouillées, à l’intérieur les mécanismes pour contrôler et surveiller les gens augmentent. Du coup : le glissement à droite de l’Europe continue – en Europe et en Suisse…

 

Pascou Muelchi


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